Chapitre 3
— Tu te sens mieux ? demanda Mejiana en relâchant Detroit dès qu’ils furent dans une allée derrière la boîte de nuit.
— Oui, marmonna ce dernier, merci !
Les deux garçons s’observèrent et Detroit détourna les yeux le premier.
— Désolé, pour…
Mejiana haussa les épaules.
— Tu ne devrais pas contrarier ton destin, tu sais !
— Je ne le contrarie pas ! cria Detroit, la mine sombre.
— Pas la peine de t’énerver ! Ta fiancée doit s’inquiéter, tu devrais retourner à l’intérieur.
Mejiana fit trois pas pour sortir de l’allée, mais Detroit le retint par le bras.
— Tu vas rejoindre cette fille ?
Mejiana se tourna vers lui.
— Je ne pense pas que tu t’en rendes compte, mais cette nana ne m’intéresse pas ! Je suis gay, mec, et mon âme sœur est un homme.
— Je ne suis pas ton âme sœur ! cria à nouveau Detroit.
Mejiana se mit à ricaner. Il se détournait, mais, pris d’une impulsion, il saisit Detroit par le col de sa chemise et le poussa contre un mur. Il se colla à lui, lui faisant ressentir son érection qui pointait sous son pantalon. De la même taille, il sentit parfaitement celle de Detroit qu’il s’empressa de frotter à la sienne. Detroit, les yeux fous, laissa jaillir un gémissement de désir, de plaisir, de frustration. Il agrippa les bras de Mejiana, pressa son corps contre le sien et murmura.
— Je ne peux pas…
— Pourquoi ? demanda Mejiana contre ses lèvres.
La question sembla sortir Detroit de sa transe. Il repoussa fortement Mejiana et partit en courant. Mejiana attendit de se calmer avant de retourner vers la boîte de nuit. Quand il arriva devant la porte, Detroit en sortait avec Bérénice et les jeunes de leur meute qui les avaient amenés.
— On y va, Mej, l’avertit l’un d’entre eux.
Mejiana ne répondit rien. Detroit n’essaya même pas de croiser son regard. Bérénice lui fit un sourire timide. Il le lui rendit, le cœur lourd. Encore une fois, son âme sœur le rejetait.
Il retrouva son frère et sa sœur à leur table. Sans poser de questions, Melianos le prit dans ses bras.
— Vous voulez encore rester ? demanda Christo.
— Non, nous rentrons, répondit Melianos. Tu es d’accord, Mej.
— Oui, retournons à la maison, acquiesça Mejiana.
Cette nuit-là, Mejiana fit d’horribles cauchemars où il voyait Detroit, envahi d’ombres obscures, s’éloigner dans la nuit vers un destin qu’il pressentait fatal. Il essayait de le rejoindre, mais il en était empêché par une sorte de mur qui l’arrêtait. Detroit se tournait alors vers lui et tentait de lui parler, mais il n’entendait rien. Mejiana se mettait à taper, taper contre le mur en criant le prénom de son âme sœur, mais finalement, il disparaissait comme aspiré par le vide. Seule subsistait une espèce d’empreinte blanche, qui avait la forme, l’allure de Detroit et qui tendait un bras vers Mejiana comme pour le supplier de venir le chercher.
Ses cauchemars furent tellement angoissants que le matin le trouva avec des cernes sous les yeux et d’une humeur de chien. Il ne prit même pas la peine de faire sa toilette, de se raser…
— Mauvaise nuit, mon garçon ? demanda son père quand il eut rejoint sa famille dans la cuisine.
— Pas très bonne, admit Mejiana en s’installant à table, après avoir embrassé ses parents.
— Que se passe-t-il ? s’inquiéta sa mère. Tu es étrange depuis deux jours.
— Rien, maman, ne t’en fais pas. C’est un petit passage à vide ! la rassura Mejiana.
— Monsito a appelé tout à l’heure, Mej. Il veut que vous vous occupiez des jeunes de la meute de Bâton Rouge aujourd’hui.
— Pourquoi nous ? s’étonna Mejiana, peu désireux de revoir Detroit. Il n’a qu’à demander…
— S’il te plait, Mejiana, l’arrêta Prior, fais ce qu’il dit. Ils repartent demain, ensuite, vous pourrez terminer vos vacances tranquillement.
— Et que devons-nous en faire ?
— Emmenez-les dans la grande plaine et allez courir. Ils doivent avoir envie de se défouler. Il parait que l’un de leurs gamins, Detroit, est un peu tendu depuis leur arrivée. En même temps, je le comprends un peu. Il a vingt et un ans, il doit se marier dans deux mois, et il sera l’un des second de la meute, tout de suite après le mariage. Beaucoup trop de responsabilités pour ses jeunes épaules.
— Pourquoi doit-il se marier aussi tôt et devenir le second ?
— Il est né avec un tigre double, Mejiana.
Mejiana regarda son père complètement abasourdi.
— C’est une légende ! s’exclama Melianos en entrant dans la cuisine.
— C’est ce que tout le monde pensait, mais sa naissance a prouvé le contraire.
— Cela se caractérise comment ? demanda Melianos après avoir salué ses parents.
— Lorsqu’il se transforme, la silhouette parfaitement visible d’un second tigre apparaît à ses côtés. Ce second animal aurait le pouvoir d’intervenir si Detroit se trouvait en danger. Il est comme un double protecteur et toujours d’après la légende, une meute, ayant en son sein un tigre double, est bénie des dieux. En lui-même, Detroit n’est pas l’un des plus puissant de sa meute mais grâce à son tigre double, il est devenu une sorte de mascotte et les gens viennent de loin pour le rencontrer. C’est d’ailleurs pour cette raison que leur clan s’agrandit de jour en jour et que des alliances se nouent. Detroit semble être une source de profit inestimable pour leur meute. Non seulement elle explose en nombre d’habitants, mais il apparaît qu’elle n’a jamais été aussi fructueuse.
— Pourtant, il n’a pas l’air très heureux d’être ce qu’il est, constata Melianos.
— Comme le disait son père, ce matin à notre chef, il est bizarre depuis son arrivée. La pression, j’imagine.
— Ou il se rend compte qu’il ne pourra jamais faire ce dont il a vraiment envie ! énonça Melianos en regardant son frère.
— C’est-à-dire ? demanda Prior.
— Il se marie par amour ou pour simplement faire ce que l’on attend de lui ? Bérénice est-elle son âme sœur ?
— Je ne sais pas, répondit leur père. Ils se connaissent depuis l’enfance et elle est la fille de leur chef. Quel beau programme pour Janiras ! Il l’unit à un être légendaire et s’assure ainsi d’avoir une lignée unique en ce monde. Detroit ne risque pas de prendre sa place à la tête du clan, mais en ayant un petit fils, il peut faire en sorte que ce soit ce dernier qui y accède,
— Pourquoi Detroit ne pourrait-il pas devenir chef de la meute ? demanda Mejiana.
— Comme je te le disais, il n’a ni la carrure ni l’ambition. Il se contente de faire ce qu’on lui dit.
— J’avais bien l’impression qu’il avait l’air de manquer singulièrement de personnalité, assura Melianos, mais je vois que c’était vrai.
Mejiana gronda. Toute l’attention se porta sur lui.
— Tu sais quelque chose que nous ignorons, Mejiana ? demanda leur père.
Le jeune homme répondit négativement en hochant la tête.
— Finissez de manger, et allez les rejoindre ! Ils vous attendent chez Monsito.
Quand ils les retrouvèrent, Detroit n’eut même pas un regard pour Mejiana. Il semblait fébrile, énervé. Mejiana n’essaya pas de l’approcher. Les autres jeunes de la meute arrivèrent peu de temps après et c’est avec deux voitures qu’ils se rendirent à la plaine. Mejiana conduisit la première, Melianos la seconde. Detroit choisit de monter avec Melianos, sa fiancée Bérénice sur ses talons. Ils débouchèrent au milieu d'un champ quelques six minutes plus tard. Ils se dévêtirent dès qu’ils sortirent des véhicules. Mejiana évita de lorgner en direction de Detroit, certain que la vue de son âme sœur nue allait le faire physiquement réagir.
Il ne put cependant s’en empêcher quand Melianos le poussa du coude.
— Regarde-le ! lui dit-il doucement.
Mejiana ne put faire autrement et resta deux secondes stupéfait comme la plupart de ceux qui n’avaient pas encore muté.
Detroit était un magnifique tigre, long, grand et puissant. Mais ce n’est pas ça qui retenait leur attention. Près de lui, comme un fantôme, une empreinte, se tenait un second animal, plus petit, moins puissant, mais tout aussi beau. Ce second tigre tourna sur lui, sous le regard de son binôme, avant que ses yeux ne s’arrêtent sur Mejiana. Il lâcha un feulement assourdi, qui n’était pas inamical et s’approcha lentement du jeune homme. Detroit essaya de se mettre en travers de leur chemin, mais la créature lui grogna dessus en ouvrant grand ses mâchoires, d’un air hargneux, le faisant se reculer inexplicablement. Le tigre fantôme continua, sans s’occuper de Detroit, et vint se poster près de Mejiana.
Ils se regardèrent dans les yeux, et la connexion entre eux fut instantanée.
« Qui es-tu ? » demanda Mejiana ?
« Dallas » répondit le tigre fantôme.
« Dallas… je suis… »
« Mejiana, je sais » l’interrompit Dallas.
« Qui es-tu ? » redemanda Mejiana.
« Je suis lui, en quelque sorte », dit-il en tournant légèrement le museau pour montrer Detroit.
« Il est mon âme sœur, ou pas ? »
« Nous le sommes… tous les deux », annonça Dallas.
« Tous les deux ? » s’étonna Mejiana.
« Oui. »
« Comment cela se fait-il ? »
« Je ne peux rien te dire, mais sache qu’il souffre autant que toi » le renseigna Dallas. « Ne sois pas trop dur avec lui, il n’a pas le choix. Son destin est tracé depuis le début. »
« Alors, demain, vous allez repartir, et je ne le reverrai plus ? »
« À moins que tu n’arrives à avoir des relations avec lui. Tu peux espérer ensuite qu’il ne veuille plus te quitter. Cela sera compliqué de le faire admettre à ses parents et à son chef, mais il y a un espoir »
« L’emmener dans mon lit va être difficile, en plus, je n’ai jamais rien fait avec un homme »
Dallas se mit à ricaner.
« Je suis persuadé que tu trouveras le mode d’emploi »
« Tu es certain qu’il veut de moi ? » s’inquiéta Mejiana.
« Certain ! »
« Et toi, tu veux de moi également ? »
« Oh, oui ! Je sais que nous ne serons complets qu’ensemble. Tous les six ! »
« Tous les six ? » s’étonna Mejiana.
« Oublie ce que je viens de dire ! Mais je vais te révéler un secret, Mejiana. Detroit n’a pas le choix, il est soumis à ses parents et au chef de sa meute. Tout ce qu’il accepte, ce n’est pas pour lui, mais pour moi ! »
Il s’éloigna alors et revint près de Detroit, qui meugla lentement. La créature lui répondit de la même façon et sauta par-dessus lui. Detroit regarda Mejiana quelques instants, avant de suivre son tigre fantôme qui l’attendait à l’orée de la forêt.
— Que s’est-il passé ? demanda Melianos quand tous les autres furent transformés.
— Il m’a parlé !
— Et ?
— Je te dirai ça tout à l’heure. Maintenant, il faut vraiment y aller, ils veulent courir.
En effet, les huit tigres tournaient en rond, et certains lâchaient des grognements d’impatience. Mejiana muta, suivi de Melianos, et ils s’éparpillèrent dans le champ. Ils se retrouvèrent tous dans la forêt. Detroit resta éloigné de Mejiana et Dallas ne chercha pas à le rejoindre bien qu’il tourna la tête souvent vers lui pour savoir où il se trouvait. Bérénice ne quitta pas son fiancé d’une semelle, et avait eu pour Mejiana un feulement d’avertissement quand ce dernier était passé près d’elle, comme si elle pressentait qu’il représentait un danger pour sa vie future.
Le retour dans la meute se fit en silence dans les deux voitures. Ils étaient fatigués et repus de leur sortie. Detroit ne fit même pas l’effort de répondre aux questions que lui posèrent les autres sur son tigre fantôme. Il les ignora totalement, se contentant de fermer les yeux.
— C’est un gros connard ! fut la conclusion de l’un d’eux quand ils arrivèrent.
Mejiana ne pouvait qu’approuver. Si Detroit n’avait pas été son âme sœur, jamais il n’aurait songé à côtoyer un type aussi froid.
Quand ils rentrèrent chez leurs parents, Melianos lui fit répéter plusieurs fois la conversation avec le tigre fantôme.
— Il a beau dire, Mej, mais si Detroit refuse votre lien, tu ne pourras rien faire pour qu’il change d’avis.
— Même si nous faisons l’amour ? demanda Mejiana en rougissant.
— Même. Nous ne sommes pas des loups.
— Je sais. Ce soir, j’aimerais l’emmener à la cabane.
Melianos sourit.
— Crois-tu que ce soit raisonnable ? Tu risques de souffrir ensuite.
— Je dois aller au bout, Melianos, répondit Mejiana, sérieusement.
— Je te couvrirais, Mejiana.
— Merci ! Souhaite-moi bonne chance.
— Je vais faire mieux. Attends, j’ai quelque chose pour toi.
Mejiana entendit son frère monter rapidement dans sa chambre, puis redescendre presque aussitôt.
— Tiens, dit-il en lui tendant un flacon.
Mejiana rougit pour la deuxième fois en quelques minutes.
— C’est du lubrifiant ?
— Bien sûr, frangin. Tu vas en avoir besoin ! finit-il en éclatant de rire.
Pour la dernière soirée des étrangers, une immense table était installée dans la salle commune. Tous les membres de la meute avaient été conviés à dîner, et quand Mejiana arriva avec son frère, sa sœur et Christo, de grands feux avaient été allumés à l’extérieur et de la viande de bœuf était en train de cuire.
Alors que Mejiana allait s’asseoir loin des invités, Monsito lui fit un signe de la main, et lui désigna une place juste à côté de Detroit.
« Moi » fit-il en se montrant du doigt.
La réponse affirmative de Monsito lui fit faire une grimace.
— Pourquoi veut-il que tu t’installes près de lui ? s’inquiéta Melianos.
— Parce qu’il paraît que son tigre fantôme est venu près de toi, Mej, et que c’est la première fois qu’il s’éloigne de Detroit, répondit le fils cadet de leur chef.
— Tu es certain de ça, Alban ?
— Oui, c’est du moins ce dont ils parlaient lorsque vous êtes revenus et que la nouvelle est parvenue aux oreilles de leur alpha et de mon père. Cela n’était jamais arrivé, avant.
— Et qu’ont-ils dit d’autre ? demanda Melianos.
— Ils pensent que ton frère est une bonne personne pour Detroit qui est très renfermé. Ils espèrent que vous pourrez devenir amis. Il parait qu’il ne côtoie personne à part sa famille et sa fiancée. Elle a fait une crise de jalousie à Detroit après votre retour. Elle voulait qu’il lui explique pourquoi son tigre était venu près de toi alors qu’avec elle, il la joue indifférent. Il n’a pas répondu et cela l’a énervée encore plus.
— Tu es au courant de tout, toi ! marmonna Mejiana.
— Ma chambre est à côté de la leur ; j’ai tout entendu. Je peux également vous révéler qu’ils n’ont pas fait une seule fois l’amour depuis qu’ils sont arrivés et, là aussi, elle a voulu savoir pourquoi.
— Et qu’a-t-il répondu ? s’intéressa Melianos, curieux.
— Qu’ils ne pouvaient rien faire ici, à cause de la proximité de ma chambre ! Comme si j’étais innocent ! railla Alban.
— Je crois surtout qu’il ne pouvait pas lui faire l’amour, murmura Melianos à Mejiana alors qu’Alban s’éloignait pour rejoindre ses amis à table.
— À cause de moi ? s’étonna Mejiana.
— Bien sûr ! La seule personne qu’il a envie de baiser, c’est toi !
Mejiana fit une grimace, pas vraiment certain d’avoir envie de se faire baiser.
Detroit le regarda rapidement quand il vint s’installer près de lui. Mejiana lui sourit, mais l’autre ne répondit pas. Bérénice, assise également auprès de son fiancé, lui lança un regard haineux. Mejiana haussa les sourcils plusieurs fois, et elle finit par baisser la tête en rougissant.
Les autres membres de la tribu de Detroit le regardaient eux aussi, avec des questions aux fonds des yeux. C’est Janiras, qui lui parla en premier.
— Le tigre fantôme de Detroit a-t-il essayé d’entrer en contact avec toi, Mejiana ?
Mejiana répondit rapidement.
— Non, monsieur !
— Vraiment ? Pourquoi est-il venu te voir, alors ? s’étonna-t-il.
— Je ne sais pas, monsieur.
— C’est étrange, tout de même, continua le chef de meute de Bâton Rouge, en règle générale, il ne quitte jamais Detroit.
Son air suspicieux fit comprendre à Detroit qu’il n’avait pas intérêt à révéler la vérité.
— Il faudrait demander à Detroit, monsieur. Moi, je ne peux pas répondre à votre question.
— Detroit ne sait pas non plus. Il n’a aucun contact avec ce tigre, n’est-ce pas Detroit ?
Le jeune homme opina sans rien dire. Mejiana le regarda surpris. S’il était persuadé d’une chose, c’est que Detroit avait une relation étroite avec ce second tigre en lui.
Detroit le fixa rapidement, le suppliant silencieusement de se taire.
— Il m’a juste toisé, monsieur, comme s’il voulait me dévorer. Je n’étais pas très rassuré, d’ailleurs, affirma Mejiana en souriant.
— Vous êtes sûr qu’il n’a pas essayé de vous parler de quelque façon que ce soit ?
— Mon fils vient de vous dire non, monsieur, intervint Prior. Il n’est pas un menteur.
— Bien sûr, acquiesça Janiras. Je voulais juste m’en assurer. Je vous laisse les garçons, amusez-vous bien !
— Merci, monsieur, répondit Detroit sans sourire. Je suis certain que Mejiana va bien m’occuper.
Ce dernier qui portait un verre de bière à sa bouche faillit recracher son contenu.
— Tu ne viens pas de faire une remarque salace, n’est-ce pas ? demanda-t-il quand les adultes furent éloignés.
— Non ! affirma Detroit toujours aussi sérieusement.
— Si tu le dis, continua Mejiana, soudain plus détendu.
Et pour la première fois depuis son arrivée, Detroit eut un vrai sourire.
— En fait si, admit-il en se penchant sur Mejiana et en parlant doucement. Je ne sais pas si ce que nous allons faire est raisonnable, mais j’aimerais… et mes tigres pleurent du refus que je t’oppose. Alors, ne pense pas que tout va se résoudre si nous faisons l’amour, mais j’en ai marre de lutter. Demain sera vite là, et c’est peut-être la seule fois où nous pourrons être ensemble. Mejiana, je ne te promets rien, mets-toi bien ça dans la tête, mais…
— J’ai compris, répondit rapidement Mejiana ne croyant pas à sa chance. Je ne te demande rien : aucune promesse. Je veux juste que nous soyons tous les deux et j’ai bien l’espoir qu’ensuite tu ne désires plus me quitter.
— N’y crois pas trop, Mejiana.
— Je vais prendre le risque. Tu as déjà… avec un homme ?
Detroit sourit.
— Oui…
Le tigre de Mejiana gronda de jalousie.
— Souvent ?
— Quand l’occasion se présente.
— Mais tu vas te marier ! s’exclama Mejiana.
— Chut ! ordonna Detroit. Oui, je vais me marier, mais cela n’empêche pas d’avoir d’autres désirs, non ? Tu dois connaître ça !
— C’est vrai, mais moi, je ne suis allé avec aucun homme.
— Tu as eu bien tort… mais j’en suis heureux. J’aurai le plaisir de tout t’apprendre. Mais, Mejiana, n’oublie pas que je ne te promets rien ! insista-t-il.
— J’ai saisi ! approuva Mejiana. Pas de problème.
— On verra demain ! opina Detroit.
Les deux garçons se regardèrent alors, et une flambée de désir, d’envie, de passion fusa entre eux. Mejiana se détacha des yeux hypnotiques de Detroit et chercha son frère.
Ce dernier les avait espionnés, et comprit aux regards brillants de Mejiana qu’il allait avoir besoin d’intimité avec son âme sœur. Il décida de prendre les choses en main, afin que les deux jeunes hommes puissent partir rapidement.
— Que disais-tu à Mejiana, Detroit ? demanda Bérénice, qui n’avait pas réussi à entendre leur conversation.
— Cela ne te regarde pas ! répondit Detroit sèchement.
— Je suis ta future femme, nous sommes amants, j’ai tous les droits.
— Tu es ma future femme, mais n’oublie pas que si je n’étais pas ce que je suis, à l’heure actuelle, je pourrais être ailleurs, et ne devoir rien à personne. Tu sais parfaitement pourquoi nous allons nous unir. Ne viens pas me la jouer femme outragée. Cela ne marche pas avec moi.
— Detroit, je t’aime ! s’exclama Bérénice.
— J’en suis désolé, mais pas moi. Je t’aime bien, tu es une excellente amie, nous passons du bon temps ensemble, mais notre union ne pourra jamais être comme celle de deux âmes sœurs. N’as-tu jamais songé à tenter de rencontrer la tienne ?
— Nous en avons déjà discuté, Detroit, soupira Bérénice. Elle est morte enfant. Il n’y a plus d’âme sœur pour moi.
— Tu pourrais au moins essayer de trouver un homme qui t’aimerait vraiment pour toi.
— Je t’ai, marmonna Bérénice. Pourquoi irais-je chercher ailleurs ?
C’est au tour de Detroit de soupirer de frustration.
Melianos attendit une bonne heure avant d’intervenir.
— Mejiana, Fleurine rentre à la maison pour finir son mémo, mais rencontre un problème avec son ordinateur portable. Elle demande si tu ne veux pas le regarder avant de se remettre au travail ?
Effectivement, Fleurine était à la porte de la salle et avait posé les paumes de ses mains l’une sur l’autre comme pour le prier. Mejiana se mit à rire.
— Oh, oui d’accord ! J’y vais !
Il se leva, salua les personnes autour de lui, dont son chef de meute et celui de Detroit, fit deux pas en avant et s’arrêta. Comme si cette idée surgissait tout juste dans son esprit, il se tourna vers son âme sœur.
— Tu souhaites venir, Detroit ?
Celui-ci hocha la tête, posa sa serviette sur la table et répondit en se levant.
— Oui, si tu veux. Je suis assez doué avec les ordis ! Maman, papa, je vais avec Detroit. Il aura peut-être besoin de moi.
Ses parents opinèrent, mais Janiras prit un air suspicieux. Bérénice s’apprêtait à les accompagner, mais Detroit l’arrêta.
— Reste là, Bérénice, je reviens tout à l’heure ! ordonna-t-il.
La jeune femme voulut protester, mais, face au regard impitoyable de son fiancé, elle obtempéra et se rassit.
Les deux garçons quittèrent la salle dans l’indifférence générale. Les bons plats, l’alcool avaient fait leurs œuvres.
Mejiana fit monter Detroit dans sa voiture.
— Fleurine... essaya-t-il d’expliquer à sa sœur.
— Amuse-toi bien, se contenta-t-elle de dire en l’enlaçant. Fais attention.
Mejiana l’embrassa sur la joue, serra la main de son frère et rejoignit Detroit.
— Où allons-nous ? demanda le tigre.
— Là où nous ne serons pas dérangés. Tu es toujours d’accord ? s’inquiéta Mejiana.
— Oh, oui ! répondit Detroit, un sourire heureux sur ses lèvres.